Elle m'y autorisa et je me glissai dans les corridors. Lorsque je fus assise devant l'ordinateur qui démarrait, je me demandai si je n'avais pas perdu la raison, tant ce que j'attendais de lui était surréaliste. Taper Ceara sur un moteur de recherche, n'importe quoi, Cristal. Mais lorsque le bureau s'afficha je repris espoir. L'une des rares icônes portait le nom de « renseignements personnels ». Je l'ouvris. Il comprenait deux fichiers. Le premier portait le nom « élèves », et l'autre, « protégés ». Parfait!

Je cliquai sur l'icône appropriée et effectuai une recherche. « Ceara. » Élémentaire. Une fiche entière lui était consacrée. Mademoiselle Black était originaire d'Irlande. Elle était patronne de l'une des boîtes de nuit de la ville. Elle était née au dix huitième siècle, mais elle était vampire depuis l'âge de ses trente deux ans. Une photo de l'an dernier me prouva qu'elle n'avait pas changé d'un pouce depuis, la légende était conforme à la réalité. Elle était certes très belle. D'une blondeur vénitienne, constellée de grains de beauté un peu partout. Ses yeux d'un noir de jais étaient un peu effrayants. Ses pommettes saillantes participaient à cet aspect félin. Ses cheveux au carré plongeant encadraient son visage avec une discipline rare. Elle arborait un sourire en coin. Aiden ne s'était pas entiché de la plus timide des vampires, vraisemblablement. Elle vivait dans l'un des douze appartements qui occupaient les étages de l'établissement, qui comptait vingt pensionnaires. Elle y vivait avec un homme, m'étonnai-je, et deux adolescents. Ah, découvris-je, elle n'était pas mariée. Qui savait s'il s'agissait d'une véritable famille ou non. La fiche précisait même qu'ils avaient deux chats. Mais il n'y avait rien d'autre.

Distraitement je retournai au menu et ouvris la fiche qui me concernait. Il y avait peu d'indications, moins que dans mon dossier. Mais il y avait le territoire que je partageais avec Claire. Célibataire, lus-je. Grimaçant de découvris qu'un espace était réservé à d'autres éventuelles observations, cases vides pour le moment. Heures de travail, planning, notes. D'un clic je pouvais ajouter des informations à un fichier commun à tous les élèves.

Ce fichier contenait déjà de nombreuses remarques mais les dates sous ces notes m'indiquèrent qu'elle provenaient d'élèves des années précédentes. Rien de bien parlant, ni que je sache déjà : peur des choses sacrées, crocs affûtés, animalité au moment de la chasse...

D'autres phrases étaient obscures : soirée : penser à se protéger d'un pieu, en cas d'accident. Est ce que cela signifiait que si on sortait avec des vampires il fallait se prémunir contre leur attaque, quitte à tuer l'un de nos protégés?

J'ouvris la fiche d'un ancien élève. Il protégeait un secteur en région parisienne, et était rattaché à un autre château. Aussi après la première année changeait on d'affectation. C'était me semblait il le meilleur moyen d'être contre productif, puisque l'on était arraché à un périmètre que l'on connaissait pour s'occuper d'une zone dont on ignorait tout. Je gagnai de ce pas le bureau de la présidente et l'interrogeai sur cela.

- Ce sont des départs volontaires, m'expliqua-t-elle. Mais il se trouve qu'ils veulent toujours s'éloigner.

• - Mais pourquoi?

• - Tu sais, ce métier n'est pas de tout repos. Vous ne gardez pas un troupeau. Or les vampires sont des créatures difficiles à cerner, et à... oui, à amadouer. Je dirais apprivoiser si j'étais certaine que tu comprennes le figuré.

• - C'est le cas! Pourquoi sont ils désagréables avec nous au point que les nôtres s'en éloignent chaque année alors que nous risquons nos vies pour les protéger?

• - Les vampires, fit-elle rêveuse et énigmatique... Tu comprendras le moment venu.

• - Je vais quitter le château, présidente, mais je rentrerai pour vingt deux heures, quand je relayerai Claire.

• - Comme tu voudras. N'oublie pas de te reposer, ta nuit sera blanche.