Centaure d'un dieu, tous les articles.
J'avais promu le plus volontaire des architectes compagnon de route, c'était lui qui détenait la carte, c'était à lui que je m'adressais. Je mis du temps à le faire parler mais j'y réussis enfin. Nous comparâmes leurs demeures et les nôtres. Ou plutôt les nouvelles demeures aux anciennes, nos demeures et celles de feu les terriens. J'avais cru qu'il y avait de grandes similitudes : quatre murs et un toit, des pièces semblables aux nôtres. Mais je m'étais largement trompée. Les xivians entre autres n'avaient pas de canalisations sauf dans les constructions : on approvisionnait celles-ci et les rues de grandes bombonnes, tout bêtement. C'était un corps de métier que de ramener de l'eau des rivières toute la journée, à Xivia, ainsi que de la filtrer.
Le soir en rentrant je n'avais pas vu le temps passer, ce qui était une excellente nouvelle. Je suivis Gareth pour boire le pot du travailleur en fin de journée, mais aussi pour voir son comportement vis-à-vis de Lara. Jetez-moi la première pierre...
J'appelai Liam pour qu'il nous rejoigne, ce qu'il ne tarda pas à faire. J'avais oublié comme c'était bon de le retrouver. Il me serra pour parsemer mon visage et mon cou de petits baisers fugaces. Il venait de trouver la méthode pour pouvoir le faire sans fin : suffisamment espacés dans le temps (quelques fractions de secondes suffisaient) et sous la variante du simple frôlement mon cœur ne s'affolait pas plus que la normale.
Mais lorsqu'il se sépara de moi tout mon corps l'appelait. Je frissonnai en songeant de nouveau à Gareth quelques secondes plus tard, lorsque les sensations s'amenuisèrent. Alors un cocktail se matérialisa devant moi. La prince n'était plus là, au demeurant. Liam but une grande rasade sans même trinquer. Non, me repris-je, c'était simplement que l'on ne trinquait pas lorsqu'on était xivian. L'espèce de tristesse qui était apparue sur les traits de mon promis alors qu'il pensait sûrement lui aussi à son frère s'évapora comme toujours et nous parlâmes en même temps :
- Comment s'est passée ta journée, Aliénor ?
- Où est-il donc passé, cet homme volage ? Prononçai-je simultanément.
Je me mordis la lèvre : lui avait pensé à moi, et moi à son frère. Il sourit en caressant ma joue du dos de la main.
- Ne t'inquiète pas, j'ai été à ta place pendant les premières années qui ont suivi la prophétie. Maintenant si je ne me pose plus la question c'est que je connais assez ses habitudes pour savoir la réponse aux questions que tu te poses. Il est avec une femme.
Mes entrailles chevalines produisirent un mouvement brusque. Je parlai vite, pour ne pas réfléchir à la cause de cette acrobatie.
- Peut-être Lara ? Tentai-je. Qu'est-ce que tu penserais d'elle et de ton frère liés par un mariage ?
Je me mordis les lèvres lorsque son visage blond, dont on ne distinguait pas les yeux abyssaux, s'assombrit tant qu'il en devint effrayant, même pour moi qui savais que je n'avais rien à craindre. Le guerrier en Liam m'impressionnait toujours autant.
- Qu'elle ne mérite pas de finir veuve, rien de plus, répliqua-t-il durement. Tu devrais être d'accord avec cela. Mais tu n'as pas connu Liane, peut-être ne comprendras-tu que quand il ne sera plus là.
Plus il parlait plus les mots sonnaient méchamment. Je devinai qu'à défaut, il aurait été incapable de les prononcer.
- Tu as sans doute raison, avouai-je sincèrement. Ma journée a été productive. Demain nous terminerons le centre ville. As-tu des nouvelles des agriculteurs ?
J'aurais fait beaucoup pour lui faire oublier son malheur. Et pour le laisser me donner du plaisir, songeai-je alors qu'une image de lui centaure passait fugacement à mon esprit. Mon ventre encaissa de nouveau un soubresaut.