Centaure d'un dieu, tous les articles.
Si nous avions pu jouir de nos facultés sans son entrave, nous n'aurions pas été suffisamment idiots pour emmener le prince se baigner à l'océan au vu des circonstances.
Finalement, Liam revint par les flots, survolé par les griffons, dont l'un posa Bianca sur le sable, tandis que le dauphin des dieux traînait Gareth près de lui. Tous trois arboraient des lèvres bleues et un air d'épuisement extrême. Mais ils étaient vivants, quoi que très choqués.
Je tendis la main vers Liam, qui haletait à genoux en tremblant violemment, m'attendant à ce qu'il me repousse. C'était ma faute si nous en étions là. Je l'avais déconcentré au moment où il avait à accomplir ce pourquoi il pensait exister, nous protéger tous. Pourtant il se laissa faire. Je le frictionnai avec autant de force que je le pouvais, soudain incapable de m'arrêter. Mon propre hoquet produisait un bruit qui me poussait moi-même à la limite de l'hystérie. J'aurais voulu arracher ma gorge afin qu'elle cesse de me brûler et de me faire paraître irrespectueuse de leur propre souffrance.
-
- Tu as la peau chaude, fit mon promis, étonné, d'une voix faible que je ne lui connaissais pas.
Je haussai un sourcil. Pourquoi en était-il surpris ? Je compris enfin, tandis qu'il me détaillait d'un air inquiet. Je devais avoir une tête à faire peur, à cause de la fatigue nerveuse et physique.
-
- Je vais vous réchauffer, alors, fis-je distraitement.
Je me plaçai entre les deux autres et fis signe à Liam de m'aider à les coller à ma peau. La leur, glacée, me parut flasque, ce qui fit réapparaître ma panique. L'estomac de Gareth réclamait bruyamment son dû, pourtant il paraissait profondément endormi. Ainsi commença une matinée d'ennui. Je regardais la mer et les oiseaux, mais surtout j'avais peur. Nous ne pouvions pas partir. Certes, Liam aurait pu monter son griffon, quoi que si faible qu'il aurait dû demeurer sur terre, car dans les cieux, une chute paraissait inéluctable et ses effets, bien trop dangereux. Mais son frère et la fille ne pouvaient pas monter tous deux sur mon dos alors que tous deux inconscients, aucun n'aurait pu se tenir pour ne pas tomber. Or les autres n'avaient aucun moyen de nous retrouver à mon sens.
Au bout d'un moment qui me parut une éternité, le soleil atteignit le pic du midi et enfin, je réalisai que je n'avais plus froid.
Bianca, les yeux clos, pâle comme la mort, donnait pourtant froid dans le dos. Un long frisson me parcourut l'échine. L'estomac du prince ronronnait en rythme. Lui aussi était d'une grande pâleur. Soudain prise de panique, je le secouai, mais il se réveilla tout de suite. Je me sentis idiote, mais on ne lutte pas contre ce genre d'effrois. Sa façon de s'éveiller m'affola grandement, du reste. Il semblait très absent.
-
- Comment te sens-tu ? Tentai-je d'une toute petite voix.
Liam lui caressait les cheveux depuis des heures, visiblement incapable de détacher le regard de ses yeux sombres, à présent qu'il les avait ouverts. Le dauphin lui souriait douloureusement.
-
- Bien, assura-t-il, mais sa voix trahissait son mensonge.
Sa gorge paraissait le faire souffrir, en plus de l'épuisement qu'il paraissait ressentir et se lisait sur ses traits de façon évidente.
-
- Je suis désolée, je n'ai rien à manger, pestai-je, la gorge nouée par mon hoquet.
C'est alors que je réalisai qu'il était possible de trouver à manger, l'océan recelant bien des denrées, dont certaines pouvaient même se consommer crues. La soif me dérangeait pour ma part davantage que la faim. J'échafaudai un plan impliquant les griffons, qui pourraient sans doute ramener à boire, si on leur trouvait un récipient, ce qui pourrait sans doute s'arranger, songeai-je en jetant autour de moi des coups d’œil nerveux. A cet instant, Gareth laissa échapper un faible rire avant de reprendre la parole :
-
- C'est normal, Aliénor, tu n'allais pas emporter des provisions pour aller te baigner. Ne t'inquiète pas, ils finiront par nous retrouver. Vous devez parler pour que Maman vous entende, si vous en êtes capables.