Clio - Résumé  

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Elle s'aperçut qu'elle s'apprêtait à avouer à haute voix des choses qu'elle n'avait jamais affrones en son for intérieur. Elle jeta un œil à la jeune femme, enfoncée dans son siège, avec son visage d'adulte fatiguée. Le nez dans une épaisse écharpe qu'elle lui avait offerte, noire parcourue de beaucoup de mailles claires, de sorte qu'elle allait avec tout, Clio portait un long manteau blanc avec un haut col, parfaitement cintré, que lui avait dégoté son père. Elle tenait les escarpins d'un certain Guénaël qu'elle ne connaissait pas, mais pointus, vernis avec une boucle élégante, rouge cerise, ils étaient ravissants. Elle avait copié son maquillage sur celui de sa mère, lui volant ses produits hors de prix par un accord tacite. Le tout était adorable. Hiléria n'était pas seule dans le résultat, mais elle en était réellement comblée. Sa fille retirait le meilleur de sa drôle de vie, elle s'en sortait avec brio. Hiléria releva le menton avant de reprendre sans de presser :

• - Uriel n'est pas un homme ordinaire, il ne change pas, au fil des ans il est toujours le même gamin enjôleur. On dirait qu'il s'en fiche, il est comme il est, beau comme un démon. Il porte sur lui une sonnette d'alarme, on voit bien qu'il ne faut pas trop s'en approcher, sous peine de se brûler à lui comme un papillon sur une lampe. Sauf avec toi : toi il te veut du bien, pour toi il veut le meilleur du mieux. Depuis la toute première fois où je l'ai surpris à te couver du regard, dehors dans le froid, à t'observer dans ton landau, je n'ai jamais pu me défaire de cette impression. Quand il te regarde, on dirait un Dieu qui couve sa création, si je n'étais pas ta mère j'aurais eu peur de t'approcher après avoir été témoin d'une scène pareille.

Elle jeta un coup d'œil à Clio, qui attendait patiemment de savoir où elle voulait en venir. Elle ne paraissait pas surprise, aussi songea-t-elle qu'elle était peut-être consciente de tout cela.

• - A l'époque de ta conception, j'ai été brûlée d'une passion dévorante pour ton père. Ce qui n'est pas de l'amour. Ensuite j'ai eu honte de ce que j'avais fait, je suppose que ce n'est pas non plus de l'amour, tu vois.

Clio respecta son silence, à cet instant qui serait le plus difficile assurément. Sa mère gara la voiture, mais elle ne chercha pas à s'échapper de ce qui restait à accomplir. A présent, elle était consciente qu'Uriel n'était pas le seul que leur fille voulait bonifier. Elle-même était aussi du lot.

• - Depuis quelques années, tu m'as montré ton père comme il est réellement, comme il se cache aux inconnus : un être entouré de mystères, que la physique n'explique pas.

Elle haussa les épaules, cessant de se concentrer de peur que ses mots dépassent sa pensée, ou trahisse la réalité de ce qu'elle ressentait vraiment.

• - Aujourd'hui, l'ancienne honte se mêle à mes questionnements. Je crois qu'il serait logique...

Elle avait failli décider de se comporter comme des parents séparés comme les autres, qui se demanderaient poliment comment ça allait, avant de s'organiser pour se partager leur fille qui aujourd'hui n'en avait plus l'âge. Elle se rappela simplement son visage. Ses yeux rouges, sa tignasse blonde en bataille, sa jeunesse spectaculaire et en même temps, sa virilité qui l'avait toujours fait rougir.

• - Aujourd'hui je voudrais remonter le temps pour me sentir de nouveau belle et capable de me sentir son égale. Alors je pourrais mieux agir et comprendre ce qui s'est passé. Je voudrais changer les bases de notre histoire à tous les trois. Alors, je pourrais t'offrir un meilleur cadre familial, envers et contre tout nous pourrions ressembler à des parents qui s'entendent en ce sens.

Clio ne parut pas surprise. Elle lui fit signe de continuer cette conversation en gagnant la chambre d'hôpital. A l'accueil on leur indiqua leur chemin, passant sur l'horaire trop tardive pour les visites parce que le patient, qui n'avait rien de grave, sortirait dès le lendemain matin. Elles n'en surent jamais rien, mais leur traitement de faveur provenait surtout de la rumeur selon laquelle l'occupant de la chambre 653 présentait des signes auto-destructeurs, or on ne souhaitait pas qu'il se donne la mort sur place, cela n'arrangerait pas les médecins. Avec un peu de chance, voir sa famille l'en dissuaderait. On leur enjoignit simplement de parler bas pour ne pas gêner le repos de ceux qui en avaient besoin.

• - Je vais t'apprendre quelque chose sans attendre que tu demandes, dit la jeune femme au doux regard émeraude.

Elle attendit que sa mère le lui accorde en silence. Puis elle inspira, avant de lâcher avec une rapidité qui prouvait qu'elle s'était toujours retenue de le lui avouer :

• - Depuis que je suis en âge de m'en apercevoir, je sais qu'il ne s'est jamais intéressé à d'autres femmes que nous, maman.

Hiléria lui fit signe de ne pas s'engager en ce sens : elle n'avait pas l'intention de reconquérir Uriel. Elle en avait passé l'âge, aujourd'hui il paraissait en âge d'être son fils. Songer qu'avec lui, elle avait tant eu d'orgasmes, qu'elle lui en avait tant donné, s'était abaissée à des postures humiliantes, ou bien dominatrices, était déjà troublant alors qu'à l'époque ce paramètre n'existait pas encore.

Clio 18.