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La louve et le prince, résumé.

• - Venez manger un brin, les autres l'ont déjà fait, de même que moi. Je vais finir de tout ranger pour que nous puissions repartir dès qu'ils reviendront de la rivière.

Nous nous exécutâmes sans un mot. Enfin le couple revint et j'eus la joie de constater qu'ils souriaient et se tenaient la main. Nous remontâmes à cheval ; dès que ce fut fait je commençai à avoir mal dans chaque centimètre de mon corps.

• - Ça va toi ? Fis-je à Prince alors que nous passions au petit galop régulier et confortable de notre monture pie.

Autour de nous le paysage défilait lentement, le vert foncé dominant me paraissait rassérénant, après l'épisode de la rivière qui m'avait rendue si mal à l'aise.

• - Oui pourquoi ? Si c'est de cela que tu parles j'essaie de ne pas penser à ce que nous allons faire et de vivre au jour le jour, et il faut dire que tu m'aides bien en cela.

Retrouver ses parents, cela le rongeait jusqu'à la moelle... Pourtant plus que jamais, il me semblait que c'était un passage obligé. Peut-être justement parce que cela produisait déjà des effets cuisants. Lorsque ce que l'on fait emporte des conséquences rapides, on a l'impression qu'il faut continuer jusqu'à purger cet acte.

• - Tant mieux si je te facilite les choses. J'aurai au moins servi à cela. Mais je voulais surtout savoir si tes courbatures n'étaient pas trop virulentes ?

• - Pas du tout. Et toi.

• - Non plus.

Plus d'une heure après on repassa au pas rapide pour ne pas crever les chevaux et je l'entendis souffler de soulagement.

• - Tu es un menteur, constatai-je en me tournant un peu.

• - Je me rends. J'ai mal partout.

• - Moi aussi. Et si on continuait à pattes ?

• - Fantastique ! Yule, cria-t-il puisqu'elle était juste devant nous, demande aux tourtereaux une pause, pour que nous attachions notre monture à la tienne, on finit à pied sous nos formes animales, ce sera bien plus confortable.

Bientôt nous fûmes monstre et panthère courant devant les chevaux, Dieu comme c'était bon ! Sous cette forme cela nous plaisait d'accélérer, et nous nous en donnions à cœur joie. Mes sens amplifiaient à l'extrême le vacarme de sa respiration, de la mienne, des battements de mon cœur. Naturellement j'allais plus vite que Prince, pourtant mes mouvements étaient beaucoup moins gracieux. Je ne pouvais pas le devancer, même si j'en mourais d'envie, car j'ignorais où nous allions. Un genre de colère stimulante planait aussi dans un espace retranché de mon esprit. Cette créature était si près de moi, j'aurais pu l'égorger à loisir. Je me servais de ce que je ressentais pour Prince, pour combattre le lycan, réduire son espace mental. Affection, admiration.

Lorsque les elfes hurlèrent d'arrêter, il me semblait que nous nous adonnions à la course depuis seulement un instant. Le lycan et moi collaborions harmonieusement, finalement, or j'adorais ça – je ne connaissais pas sensation plus grisante. J'étais deux, ce secret me rendait puissante. Par un genre de pacte incompréhensible, je troquais mon charme de petite blonde sans défense, contre la pure laideur du lycan, dont la force rendait ce fait sans importance aucune. Et cela sans me perdre. Pourtant Zéphir affirma qu'il était midi, en décollant la masse blonde de ses cheveux soyeux, de son visage aux traits fins typiquement elfiques, trempé de sueur. Nous attendîmes qu'ils aient sorti nos vêtements et comme au moment de repartir sous cette forme tout à l'heure, nous prîmes soin de ne pas regarder l'autre, de même que les elfes qui se tournèrent pudiquement. Le peuple sage ne volait pas sa réputation : c'était seulement pour moi qu'ils faisaient attention, puisque la nudité ne gênait pas ce peuple. Mais je devais avouer que la fréquence à laquelle je me retrouvais nue au milieu de tout le monde commençait à m'ôter ce handicap.

• - Alors, il nous reste-t-il une longue distance à parcourir ? M'enquis-je alors que chacun installait sa couverture au sol ainsi que les restes de la veille pour un rapide déjeuner.

• - Seulement quelques heures, sourit Zéphir. Vous avez mal partout, pas vrai ? Vous aviez le Diable au corps, tous les deux.

C'était la vérité pure, les lycans et les vampires étaient aussi damnés que Lucifer lui-même. Mais il me sembla que l'elfe n'avait pas voulu aborder cet aspect là de l'expression. Je balayai ses paroles d'un geste désinvolte. D'accord, j'avais toujours mal partout dès que je m'arrêtais et que je prenais la peine d'écouter mon corps, mais au moins le loup lorsqu'il courait ne le ressentait-il pas. Ainsi je me tus, j'avais décidé de ne plus être la pleurnicheuse de service et il me semblait que c'était un bon début. Ensuite nous écoutâmes Prince et Yule, puis le couple d'elfes, raconter des anecdotes d'autres voyages qui nous firent rire aux larmes. Des peurs bleues dues à des lutins farceurs, des maladies embarrassantes. Lorsque l'on arriva à moi j'eus la surprise d'avoir tout de même deux trois choses à raconter sur les moyens de transport de mon monde, alors que je m'étais attendue à devoir déplorer mon absence d'expériences. J'avais quinze ans et ici comme ailleurs cela se ressentait.

La louve et le prince 22.