La louve et le prince, tous les articles.
La louve et le prince, résumé.
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- L'après midi il était encore là avec son allure féline à côté de la machine à café. En partant il m'a dit qu'il avait revu ses positions. Il ne pouvait plus dîner. Je n'ai pas eu le temps de lui demander pourquoi.
Finaud, songeai-je comme toujours.
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- Étrange, relevai-je prudemment.
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- N'est-ce pas ? Alors en sortant du travail... J'ai honte, mais je l'ai suivi. De loin ! S'écria-t-elle quand Prince prit un air réprobateur. J'ai enfourché mon cheval et il m'a baladée hors des tunnels, en forêt. Il chevauchait à vive allure, j'avais de plus en plus de mal à suivre sa trace. Pour finir j'ai dû abandonner, j'avais rendez-vous avec vous.
Aucun de nous ne releva le dépit dans sa voix. Prince était toujours en colère après elle, tandis que de me côté, je ne savais que penser de l'attitude de mon amie, ni du reste de celle de l'elfe mystérieux.
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- C'est tout ? Déplorai-je finalement.
A son expression, je devinai que je m'étais trompée. Le vampire affichait à présent un malaise que l'on sentait des plus difficiles à contenir. Mais il tenait bon. Pour Yule, car quelque part, il lui faisait peut-être confiance.
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- Oui, mais ensuite il y a eu aujourd'hui. Ce matin dès neuf heures, je suis allée lui faire remarquer qu'il n'avait pas été correct la veille, en annulant sans explication. Il m'a rétorqué que j'étais bien exigeante pour quelqu'un qui suivait les gens dans l'ombre. Alors dépitée je suis retournée travailler.
Prince s'apprêta à dire quelque chose, puis se ravisa, les traits de plus en plus tirés, ce dont je commençai à sérieusement m'inquiéter. La haute fonctionnaire passa ses doigts fins dans ses cheveux ébène, nerveuse, puis sembla prête à continuer :
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- J'ai pris des poses à des heures différentes par rapport à d'habitude. Il m'a manqué toute la journée, même si c'est étrange pour moi. Finalement, je n'ai plus pu attendre, je suis allée dans son bureau un peu avant seize heures. Pour lui proposer un autre dîner, demain.
L'immortel s'avança dans son siège, une expression dure plaquée à ses traits livides :
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- Yule, il cache quelque chose, tu vas t'attirer des ennuis.
Je fronçai mes sourcils blonds, cherchant comment défendre le bel inconnu. Mais justement, je compris que je n'aurais rien pu faire de pire. Je ne l'avais déjà que trop fait. A présent je m'étais engagée envers le Prince de Terra. Je devais me comporter en conséquence, le temps où je pouvais me permettre de jouer avec ses nerfs était résolu. C'était peut-être cela, devenir adulte. J'observai ses traits de créature au sang froid, réalisant nouvellement que de surcroît, ce n'était pas simplement un homme, c'était un oracle qui avait une mission en son monde. On devait respecter une telle créature, au lieu de lui causer des soucis ridicules.
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- J'en venais à me demander si je ne me faisais pas des idées sur ses intentions vis à vis de moi, continua sa presque sœur, bien loin de mes conclusions peut-être trop graves. Bref je suis rentrée dans son bureau et une fois cette question posée il n'a rien répondu. Alors à seize heures je lui ai dit que je devais partir. Il n'a rien dit non plus. Je me suis levée... Je ne l'ai jamais fait aussi maladroitement. Lorsque j'ai posé la main sur la poignée et commencé à ouvrir, il a repoussé la porte d'un coup sec. Je me suis retournée pour me retrouver directement contre lui. J'ai retenu ma respiration. Je sentais son souffle sur mon visage et son parfum me faisait frémir. Puis il s'est reculé et m'a indiqué de sortir dans un demi sourire.
Un silence suivit la fin de son récit puis nous soupirâmes toutes deux, ce qui conduisit Prince à lever au plafond ses yeux d'ambre. Nous nous levâmes pour partir et elle me glissa, inquiète :
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- Alors, il a quelqu'un d'autre ?
D'abord je me paralysai, songeant qu'elle parlait du vampire. Mais en lisant l'inquiétude dans ses yeux gris, je compris qu'elle en était restée à Adam.
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- Non, il est romantique, souris-je. Laisse-toi faire, c'est tellement bon de se laisser séduire.
Prince me lança un regard surpris. Nous repartîmes à cheval. Il restait du temps avant le dîner, aussi ne m'étonnai-je pas que Prince me poussât dans la chambre.
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- Tu devrais te détendre, commençai-je pour engager la conversation, légèrement inquiète sans être bien sûre de savoir pourquoi je l'étais.
Il m'invita à m'asseoir, mais resta debout, démesurément grave, cherchant comment me convaincre en faisant les cent pas, tel un lion en cage.
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- Tu as quinze ans, tu trouves tout cela mignon, ces histoires te détendent, elles te font oublier la guerre, les gnomes, la Terre qui te manque. Je comprends, Tarah. Mais tu dois grandir. Ceci est un monde où la magie est reine. Ce soi-disant elfe est suspect, il a un comportement anormal. Nous avons des ennemis, notre planète est menacée. Tache seulement de t'en souvenir, conclut-il maîtrisant sa voix comme s'il parlait à une petite fille.
La honte submergea mon esprit. Je voulus me réveiller chez moi sur Terre, prendre un petit déjeuner d'adolescente, des céréales avec des jeux sur le paquet. Je voulus qu'il cesse de me regarder ainsi. J'avais perdu son estime, il ne me voyait plus comme l'élue qui pouvait l'aider, mais comme une poupée rose qui se révélait un poids insouciant.