La louve et le prince, résumé.

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• - Il a quelque chose à cacher, qu'il ne veut pas te faire partager. A toi de voir si tu souhaites le forcer, grognai-je en observant le vampire qui me fixait sans tendresse.

Elle s'écarta pour étudier mon visage en réfléchissant, visiblement heureuse d'être amenée à répondre à ces questions à haute voix.

• - Ce doit être quelque chose de grave, nota-t-elle même si c'était une évidence.

C'était probablement pour voir l'effet produit par cette donnée une fois pleinement avouée, devant témoins de surcroît.

• - Cela te rebute-t-il, Yule ? La questionnai-je, indifférente à Prince qui me fixait toujours avec intérêt de ses perçants yeux de prédateur sacré.

En réalité j'étais moi-même en train de lui démontrer quelque chose. L'idée était encore floue à mon esprit, mais elle était étroitement liée à l'amour, au mensonge et au mal en général. L'elfe prit le temps de réfléchir, comme sa nature l'y incitait sûrement. Puis elle avoua :

• - Je crains que non. Je suis repartie certes fatiguée mais sur mes deux jambes, il ne m'a fait aucun mal sérieux dans la ruelle, aucun mal physique, non. S'il ne veut pas de moi, alors il a une étrange façon de me faire part de son indifférence. Trop étrange pour être naturelle. Il y a quelque chose à découvrir, je n'abandonnerai pas avant de l'avoir fait. J'irai lui parler demain.

Nous nous tûmes un moment, puis elle se sépara de moi. Elle frotta son visage, expira profondément. Elle aurait une façon raisonnable de gérer sa déraison, car elfe elle demeurait. Lorsqu'elle m'adressa de nouveau la parole, le timbre de sa voix apparut aussi clair que s'il ne s'était rien passé :

• - Veux-tu que je te prépare le canapé pour y passer la nuit ? Me proposa-t-elle. Je peux comprendre que retourner avec Prince tout de suite soit difficile aussi vite.

Je fixai le jeune homme en répondant :

• - Je vais braver ma peur. Je veux croire qu'il acceptera ma présence contre lui cette nuit et toutes les suivantes.

Nous nous levâmes mais quand Yule fut face à la porte Prince était déjà reparti. Ce fut un peu tremblante que j'ouvris la porte de la chambre à coucher. Les lucioles éclairaient la silhouette de l'immortel, tourné vers moi, nonchalant. Allongé sous le drap, ses yeux d'or brillaient dans la pénombre. Sans le quitter des yeux, je gagnai la salle d'eau pour me préparer à aller me coucher. Lorsque j'en revins, il ne me fit pas face. Je m'étendis derrière lui. J'avais pris soin de ne pas le toucher mais voir son joli dos de vampire eut raison de mes bonnes résolutions. D'un doigt de descendis sa colonne vertébrale. Il ne bougea pas. Du bout des lèvres, je déposai un baiser sur une omoplate. J'allais l'enlacer, car j'en avais irrésistiblement envie, quand il commença à se tourner vers moi. Le mouvement était outrageusement lent, comme seul un vampire pouvait en esquisser. Lorsque ses yeux d'or se plantèrent dans les miens un long frisson me parcourut de la tête aux pieds. Ils étaient froids comme la glace.

• - Qu'est-ce qui va se passer, à présent ? Fis-je d'une toute petite voix en peu enrouée.

Sans changer d'expression il leva une main et je fermai les yeux, prête pour la gifle qui suivrait. Mais rien n'advint en réalité. Je les rouvris sur un regard doré effrayé.

• - Tu as cru que j'allais te frapper, Tarah ?

Honteuse je ne pus retenir mes larmes. Je ne faisais rien de bien depuis ce midi-là !

• -Pardonne-moi, gémis-je en le dévorant du regard.

• - Cesse de toujours t'excuser, grogna-t-il. Tu étais forte, que s'est-il passé pour que tu changes ainsi ?

• - Je suis tombée amoureuse. Serre-moi dans tes bras ce soir et demain je serai de nouveau forte.

Je vis plusieurs étapes se succéder dans ses pensées de créature damnée. D'abord un sadisme sans faille, une envie irrésistible de frapper la petite chose qui gémissait au sol. Puis une lassitude, un doute en sourdine, sur un avenir avec moi qui me révélais ennuyante comme la pluie. Maladroitement, comme si c'était la première fois, il s'exécuta enfin. Je savais qu'il n'avait pas seulement eu ce geste pour de bonnes raisons. Il savait que pour retrouver son jouet qui pour l'heure marchait fort mal, il fallait lui rendre des couleurs et que c'était un bon moyen. Son corps était froid comme toujours mais cette nuit-là cela me sembla alarmant. Je luttai pour m'écarter un peu et sans prendre garde à son regard glacé, je frôlai ses lèvres des miennes. J'avais besoin de me prouver des choses, je ne pouvais pas rester sur les sombres pensées que je ruminais malgré les apparences censées me rassurer. Il resta insensible, mais je persistai. J'embrassai sa lèvre inférieure. Toujours rien. Je posai une nuée de baisers sur sa bouche. Enfin le miracle se produisit. Il m'enlaça plus étroitement, une jambe entre les miennes, puis me donna un baiser attentionné. Sa main se crispa dans mes cheveux, alors je pris l'autre pour que, par les Dieux, elle ôte enfin de mon corps la panique qui l'habitait depuis qu'il avait tant crié cet après midi-là. Je la posai sur ma cuisse et la fis remonter tandis que mes lèvres le suppliaient en silence de me faire du bien après tout le mal qu'il m'avait fait jusque là.

La louve et le prince 93.