Le destin des immortels - nouvelle publication

• - En tant que chef des vampires, je suis en train de te demander si oui ou non tu vas te permettre d'aimer un humain.

Son regard gris lui parut plus dur que jamais. Elle prit le temps de réfléchir, sachant qu'il le lui interdirait. Elle aimait Sloan, oui, et bien que l'ayant vu grandir, elle ne le voyait pas comme un fils, juste comme un homme, qu'elle voulait protéger au péril de sa vie. Mais...

• - De toute façon je ne laisserai jamais un homme me toucher, alors qu'est-ce que ça peut faire, Sofiane ?

Seuls les masseurs pouvaient en fait la toucher intimement, car ils n'avaient aucune intention sexuelle, en réalité. Mais là ce n'était pas le propos.

• - D'un tu mens, il y a peu tu m'as parlé de premiers pas, ne fais pas mine de l'avoir oublié. De deux, les relations charnelles n'ont rien à voir avec ma question. Si tu le laisses t'aimer alors il devient ton point faible, comme n'importe quel humain dans les pattes de n'importe quel vampire.

Elle fit bien attention à ne pas faire un geste. Mais elle se déçut beaucoup. Si elle avait gardé la tête froide, tel que c'était de son devoir en pareilles circonstances, elle se serait épargné d'avoir marqué des points négatifs auprès du chef de sa meute. Ce qui était toujours regrettable. Elle se promit de se ressaisir.

• - Nous l'avons déjà dans nos pattes, regarde où nous en sommes ce matin. Donc ta question n'a aucune raison d'être, Sofiane.

Il la délaissa pour se mettre sur le dos. Ses pupilles luisaient dans le noir comme deux bijoux d'argent. Les bras derrière la tête, il réfléchissait. Puis il se tourna doucement vers elle.

• - J'avais commencé à me poser des questions sur nous. J'avais ouvert une brèche pour voir si l'amour viendrait. Je suis un vieux, très vieux vampire, comme tu le sais, et je n'ai plus jamais aimé depuis que je suis votre chef, parce que les femmes se retournaient toujours contre moi. Je veux savoir si je dois refermer la brèche.

Les yeux écarquillés elle se redressa dans le lit, soudain oppressée. Elle avait tenté de séduire Sofiane sans trop y réfléchir. Alors qu'au début elle avait cru que c'était lui qui le ferait. Aujourd'hui elle se retrouvait incapable de déterminer si elle aimait plus le vampire ou l'humain. Elle ne se voyait s'offrir à aucun des deux, mais il avait raison de dire que cela n'avait rien à voir avec la question. Doucement il lui coupa le souffle :

• - Si tu n'en sais rien, alors seul l'avenir te parlera, mais ne t'étonne pas si tu as tout perdu entre temps. L'humain va vieillir. Quant à moi, je ne prendrai pas le risque de souffrir à cause de toi.

Les larmes montèrent aux yeux de l'immortelle, alors elle s'échoua entre ses bras, qui pour la première fois caressèrent son dos dénudé par son déshabillé. Cela lui donna envie de fuir. Elle leva sur lui des yeux implorants. Soudain elle réalisait qu'elle se trouvait entre des bras qui l'avaient fait souffrir comme personne ou presque. Surtout, ces bras étaient capables du pire. Les mains s'immobilisèrent sur le dos de l'immortelle. Le vampire laissa ses propres traits se détendre. Il sembla à Shalimar qu'il fournissait à cet instant un effort important pour lui ouvrir une porte, en laissant son propre visage exprimer un peu de la tendresse qu'il pourrait lui offrir. Ce fut comme s'il rompait de la glace à mains nues, celle qui entourait son coeur, dont la vie et bien plus encore avait déserté depuis bien longtemps. Ce ne fut qu'alors qu'il lui sembla sentir une caresse sur son corps enfin détendu, alors qu'au contraire, Sofiane était d'une immobilité parfaite. Elle ferma les yeux, apaisée, et s'endormit rapidement.

Lorsqu'elle s'éveilla on faisait du bruit à la cuisine. Elle leva les yeux sur l'acier de ceux de son chef de meute, qui l'avait observée dormir. Ses mains glacées autour d'elle lui donnaient pourtant une douce chaleur.

• - Tu apprécies les caresses dans ton sommeil, sourit-il. Tu fais le chat, un peu plus et tu ronronnais, tu le crois, Shalimar ?

• - Cela ne m'étonne pas. J'aime qu'on me cajole comme n'importe qui, et lorsque je dors je ne peux pas me rappeler comme les caresses d'un homme peuvent être à des années lumières de cajoler une femme. Comme la douceur ne signifie rien, parfois.

Il hocha la tête et la porte s'ouvrit sur Sloan :

• - Je vais chercher mes affaires...

Son regard sur eux, enlacés, donna le frisson à l'immortelle. Elle s'était laissée surprendre par tout ce que pouvait exprimer un visage humain, alors que les vampires étaient si différents.

• - Je peux te parler un moment avant ? L'interrogea-t-il.

Sa voix avait exprimé toute la perplexité et le malaise qu'il ressentait. Elle apprécia cela. Les vampires ne baissaient jamais la garde. Lorsqu'ils le faisaient, tel que se l'était permis Sofiane avant qu'ils ne s'endorment, ils entouraient ce geste de menaces, pour assurer leurs arrières malgré tout. Elle opina et quitta la chambre sans se retourner, concentrée pour sentir tout danger éventuel. Aucun ne se concrétisa, mais elle savait qu'il s'en était fallu de peu. Devant le bar elle se saisit des tartines que l'humain lui avait préparées.

• - Merci pour ça, sourit-elle en tâchant de se détendre.

Mais ce n'était pas chose aisée, quand Sofiane l'inquiétait tant alors que l'humain ne se doutait de rien.

• - Tu es heureuse avec lui ? La questionna-t-il, ce qui manqua lui arracher un rire jaune.

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