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- Soif, murmura-t-il les yeux clos.
Il était faible, aussi aux yeux de la vampire, sa soif parut un handicap insurmontable.
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- La morsure t'a fait souffrir ? Demanda Sofiane pour changer de sujet.
Un instant Shalimar crut que quelqu'un venait de mordre son humain. Puis elle comprit que Sofiane parlait de celle qui l'avait mis dans cet état, plusieurs jours auparavant.
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- Affreusement. Comment faites-vous pour infliger ça tous les cinq jours, bande de créatures détestables ?
La voix était lente et lasse. La vampire ne pouvait plus parler, mais l'immortel faisait ça très bien :
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- Les effets dépendent de ce que veut celui qui te mord. Shalimar te fera voir un jour comme ça peut être agréable.
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- Vas-y, tout plaisir est bon à prendre, sourit-il, mais sa voix se révéla d'une lenteur affligeante.
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- Pas tout de suite, l'ami, répliqua sèchement le chef de meute. Retrouve ta forme, ensuite elle s'en fera un plaisir. Goûte à ça, conclut-il en détachant un bout de gibier. Ouvre les yeux, ordonna-t-il alors que l'humain cherchait à l'attraper les paupières closes.
A la grande horreur de Shalimar, il préféra se caler de nouveau contre son tronc d'arbre. En faisait attention aux tâches de soleil, car il faisait très beau ce jour-là, ce qui rendait l'ombre chiche dans les parages, le chef se leva pour le lui mettre dans la main.
Shalimar osait à peine y croire, mais tout s'était bien passé. Ils avaient multiplié les pauses, surtout à cause de la soif, et cette nuit-là, peu avant l'aube, sa proie lui répondit que Lyon, mais on y était voyons ! Enfin là c'était l'extrémité de la ville, mais à cinq minutes de voiture on trouverait le panneau d'entrée dans la cité.
L'aube se levait ; elle était avachie contre le mur de la maisonnette, vide exceptés deux hommes et une femme. Du moins en apparence. Comment faisaient-ils pour continuer à plaisanter, n'avaient-ils pas sommeil, bon sang ? Songeait Shalimar.
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- Et alors la fille a dit « Mais quand même, tu en fais des trucs, avec tes doigts de pied, Sofiane ! ». Imagine comme j'ai dû me retenir de rire, elle avait imaginé que je lui faisais des trucs avec mes orteils !
Il devait conter les fantasmes formés par une proie alors qu'il la mordait, c'est ainsi quand vous ne vouliez pas faire mal à la victime. Sloan s'esclaffa et lui lança, alors que Dieu, elle essayait de dormir !
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- Quand est-ce que tu me fais essayer, Shalimar ? Maintenant par exemple ?
Elle fit un effort pour ouvrir les paupières et lui grogna en faisant les yeux rouges et les crocs apparents :
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- Continue à me réveiller et tu verras comme je te mordrai, humain.
Prononcée en un sifflement, elle ne sut s'il comprit la phrase mais au moins le silence se fit. Ah non, le vampire éclata de rire et ils partirent en commentaires... Misère !
Lorsqu'elle s'éveilla Sloan téléphonait. Au second réveil on sonnait à l'interphone. Elle se recoucha sur le canapé juste livré et observa la maison se meubler depuis son poste. Comme il y avait bien longtemps qu'elle n'avait pas dormi sur quelque-chose de moelleux, elle en profita toute la matinée. Puis tout de même elle se leva pour aider dans les démarches.
Le soir elle passa une nouvelle robe, rouge sang, on ne verrait qu'elle en ville, clama Sofiane. Ils visitèrent Lyon après un restaurant féerique, et ce fut des étoiles dans les yeux qu'elle s'engagea dans l'allée de retour à la maison. Elle se glissa dans leur maison décorée et aménagée comme l'appartement de Paris, c'était un clin d'œil volontaire.
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- Tu as cours, demain ? Interrogea Shalimar.
- Je vais acheter des livres de psychologie, je me suis inscrit pour les examens, je vais essayer en candidat libre.
Depuis le début du voyage, Sloan donnait à la vampire ce genre d'envies que l'on ne ressent que parce-qu'elles sont défendues. Maintenant la meute n'était plus là, le jeune homme était en forme. Lorsqu'il souhaita bonne nuit à Sofiane et elle, elle le suivit dans sa chambre, dont elle ferma la porte, en choisissant de chasser de son esprit le chef de meute, qui somme toute la gênait.