Une salve d’applaudissement accueillit ce discours. L’homme rajusta sa robe puis se rassis alors que son contradicteur tout de vert vêtu se levait. Il attendit que le silence se fit avant de commencer.

«Pour nous notre seule liberté est de choisir notre prison m’a affirmé mon client, et ...c’est vrai. Monsieur Rics que j’appellerai Charles car plus que mon client il est devenu mon ami, Charles donc, est un incube. Selon le dictionnaire des Créatures publié cette année chez Lablonde un incube démon mâle qui prend l’apparence d’un homme pour séduire pendant leur sommeil une femme. Soit, à partir de là deux questions doivent être résolues : est-ce qu’il y a vraiment eu viol ? Et si oui est-ce vraiment la faute de mon client ? Le viol est la pénétration volontaire et de nature sexuelle dans le corps d’un autre être sans son consentement. Il n’y a aucun doute sur la pénétration de nature sexuelle, je vous l’accorde mais est-ce que les victimes n’étaient réellement pas consentantes ? La partie adverse prétend que non au prétexte qu’elles se sont faites violées lors de leur sommeil pour certaines, et leur quotidien pour les autres et là je ne peux que dire objection. Violées pendant leur sommeil ? Charles serait-il si délicat que ces dames ne se soient pas réveillées ? Je ne pense pas, elles ont du à un moment où à un autre reprendre connaissance. Et je ne parle même pas de celles qui se sont faites surprendre dans leur vie courante. Oui, je sais, elles ne sont que deux mais comme mon adversaire les a mises en avant, permettez moi d’en faire de même. Dans ce cas je me demande pourquoi elles ne se sont pas débattues ? C’est vrai s’il y avait viol elles auraient dû se refuser à leur agresseur, essayer de s’échapper mais voila elles n’ont rien fait, et pourquoi ? Je vous le demande messieurs, dames, tout simplement car elles ont aimé ! Je ne pose pas d’avis ni promeus les performances sexuelles de mon client, mais je pose un fait, comme dirait mon adversaire. Lorsqu’une femme fait l’amour avec un incube elle ressent un plaisir inégalé, c’est ainsi nous ne pouvons pas lutter. Alors d’ici à dire qu’elles étaient consentantes il n’y a qu’un pas, un pas que je ne franchirais pas car je vois d’ici les obstacles qui se dresseraient alors sur ma route. Et l’enfant ? Le viol est la pénétration sans le consentement, elles n’ont rien demandé, elles ne souhaitaient pas cette relation. Je vois d’ici mes détracteurs se lever et donc je m’arrête. Mais j’aimerai quand même que vous reteniez cela, ces femmes ont pris un plaisir qu’aucun autre homme ne pourrait prodiguer. Elles se sont faites violées certes, mais elles ont pris l’orgasme de leur vie. Je n’affabule pas, ni exagère la vérité la preuve Madame Lien, cette si vertueuse victime, s’est mise à fréquenter les prostitués incubes, et devinez quelle apparence elle leur demande de prendre ? Je vous donne dans le mille, celle de son avocat ! Mais non, je plaisante, il faut ce détendre après tout ce n’est pas notre procès, non elle demande au démon de revêtir les habits de son époux. Je vous laisse faire vos propres conclusions, ceci ne nécessita pas que je m’y attarde plus longuement, après on me traiterait de bourreau de victimes alors que je ne vous ai même pas parlé des mœurs plus ou moins douteuse de Madame Fuge, la victime numéro quatre, celle qui ne prend plus l‘ascenseur, non elle prend autre chose mais la vulgarité m’arrête. Continuons donc notre analyse, le viol est donc, je le répète, la pénétration volontaire d’une victime non consentante, et là s’installe ma seconde question : est ce que la pénétration était volontaire ? En effet pour un violeur ordinaire la question ne se pose même pas, l’argument elle était nue, je suis tombé, n’a jamais fonctionné croyez moi !

Une salve de rire salua cette réplique, l’avocat, le sourire aux lèvre, attendit le silence avant de reprendre.

- Mais mon client n’est pas une personne ordinaire, c’est un incube. Je ne vous ferez pas l’affront de répéter la définition du Lablonde, je radote déjà suffisamment celle du viol, mais à la lumière de cet écrit est ce qu’on peut réellement dire que mon client était volontaire ? Oui je sais le besoin de se reproduire fait partie de chaque être, mais chez les incubes ces besoins biologiques sont aussi forts que ceux qui nous poussent à manger, dormir, ou toutes ces choses qui nous sont vitales. C’est dans sa nature, on ne reproche pas à un homme de respirer et pourtant cela nuit à son voisin le privant d’oxygène, alors pourquoi reprocher à un incube d’accomplir ce pourquoi il est fait ? A-t-il vraiment le choix ? On va faire une expérience, on arrête tous de respirer et on regarde si on a le choix. Les perdants sont ceux qui reprennent leur souffle. Non ? Vous ne voulez pas jouer ? C’est normal vous savez comment ça va se finir, cependant durant les dernières secondes, ces instants où le manque devient impérieux, où vous sentez que vous allez lâcher même si c’est mal, même si c’est interdit, là vous auriez compris Charles. Oui messieurs, dames, je plaide les prédispositions génétiques ! Pour cet homme faire l’amour est vital, que faire alors ? Tous les tuer ? Les obliger à la prostitution ? Je n’ai pas la solution, c’est vous qui la détenez, mais peut on vraiment condamner un homme pour avoir commis involontairement un crime dont il n’y a pas vraiment de victime ? A mon sens la réponse est non ! 

- C’est maintenant l’heure de la sentence, annonça le juge.

Les crocs de la justice 61