Lien vers l'extrait précédent : Le pêché pour leur vie 3.
Je me demandai ce qui clochait dans son attitude. C'était l'émotion. Il avait l'air déçu, alors que d'ordinaire les entraîneurs parlaient de façon neutre, comme s'ils se fichaient pas mal de notre destin.
- Pourquoi? Interrogea-t-il.
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- Parce qu'il y avait plusieurs assaillants.
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Cela c'est normal, mais surtout, je viens de prendre conscience que ton point faible en escrime c'est que tu ne sais faire que parer. Avec quels résultats?
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- Médiocres, lâchai-je.
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- Et voilà. Si tu ne prends pas en compte mes conseils d'une fois sur l'autre tu seras la prochaine à partir, c'est certain. Refais-moi cette réponse.
J'allais répondre quelque chose de moins pessimiste sans chercher à comprendre pourquoi mais tout de même je décidai que ça aurait été contre productif. Je regardai les autres combattants. Mais il n'y en avait pas un seul. Tous parlaient avec les entraîneurs.
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- Avec des résultats qui seraient meilleurs si je savais mieux attaquer la première. Mais au moins ma défense est agile, puisque j'étais dans les derniers en lice.
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- Il ne restait que trois autres combattants. Donc améliore l'attaque et tu seras la meilleure. Ne bouge pas.
Il alla voler une recrue à un autre entraîneur qui le regarda d'un air mauvais. Aiden se posta ensuite derrière moi, et prit ma main, qui tenait l'épée, dans la sienne. Il commanda au type d'attaquer le premier. Inerte je tentai d'enregistrer les passes qu'il menait avec mon bras. En deux mouvements il prit le contrôle, attaquant à chaque fois, l'autre ne faisant plus que se défendre. Alors
il le désarma en quelques secondes, puis pointa son épée sur le cœur.
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- Vu ? Me demanda-t-il. Pour information c'est le jeune homme qui est ressorti vainqueur final tout à l'heure. On la refait, indiqua-t-il.
Cette fois il ne tint plus ma main mais me guida en murmurant à mon oreille. Je fus tout de même désarmée mais j'avais été offensive à plusieurs reprises. Les autres partirent pour une séance d'équitation mais sous le regard désapprobateur des autres entraîneurs Aiden me garda dans cette salle. On se battit deux heures encore et aucun progrès ne fut à noter. Alors il déclara que c'était parce que j'étais fatiguée. J'avais trois heures d'exercice derrière moi. Il me dit de me reposer dix minutes, qu'il revenait.
Il tint parole mais je ne fus pas d'avantage satisfaite de moi après l'heure que nous passâmes de nouveau à travailler. Pensif il m'étudia un moment et hocha la tête. Il me dit de rester là. Il revint vingt minutes après avec une dague. Il me la fourra entre les doigts, me laissa l'étudier et la prendre bien en main. Il m'attaqua ensuite à l'épée sans crier gare. Je vis bien qu'il y allait doucement, mais peu importait, je devais me familiariser avec la nouvelle arme. Je pris du plaisir à manier la dague, légère, courte donc mobilisant d'avantage l'agilité que la force. Or j'étais douée en agilité. Assez vite je me pris à souhaiter qu'il augmentât la difficulté. Je me fis plus agressive, à défaut. J'usais à présent mes dernières forces, ajoutant celles ci à l'agilité. Bientôt je notai qu'il passait à une difficulté supérieure et je me fatiguai d'avantage. Je me pris à céder à la peur de perdre, et de me faire mal, incontrôlables. Je tâchai de les éloigner mais n'y parvins pas. En six ou sept passes il me désarma.
- Tu as peur, ça se lit dans tes yeux. Mais pas dans tes gestes. C'est bien, s'enthousiasma-t-il! C'est le poids de l'épée qui est à l'origine de tes problèmes en escrime. Il se reprit, lisant peut être sur mes traits la stupeur de le voir être heureux pour moi. Il se confectionna la mine détachée qu'il avait la première nuit. Tu arrives parfaitement à tenir alors que les armes sont inégales. A partir de maintenant tu te battras à la dague. J'ai mis huit passes à te désarmer, là où je n'en avait prévu que deux. La prochaine bataille te verra triompher si tu te bats comme ce soir. Repos. Hé, tu la gardes, ordonna-t-il alors que je posais la dague.
Le cœur léger je retournai au château. Je pris la peine de mettre en route un dîner équilibré et mitonné, quoiqu'à l'heure qu'il était, vingt heures trente, j'avais une faim de loup. Pendant ce temps bien sûr je me coulai dans un bain chaud. Pensive j'y jetai distraitement de l'essence de rose et du bain moussant senteur vanille.
Je m'éveillai en sursaut à cause d'une odeur plus qu'inquiétante.
Extrait suivant : Le pêché pour leur vie 5.