Centaure d'un dieu, tous les articles.
- Tu appréhendes notre arrivée là bas ? Le questionnai-je, saisissant volontiers cette ouverture exceptionnelle.
Il eut un sourire sardonique et nota :
- C'est avec Gareth qu'il faut avoir ce genre de conversations, Aliénor. Les sentiments, les ressentis, ce n'est pas mon rayon.
Je savais qu'il s'agissait d'une façade. J'en avais été témoin, la veille à la bibliothèque. Ma queue fouetta l'air, mouvement qui l'aurait fait sursauter autrefois. Il avait fini par s'accoutumer à côtoyer une centaure.
- Votre petit partage des tâches a apparemment toujours très bien fonctionné, Liam, mais avec moi cela ne marche pas. Je veux bien discuter avec lui, mais je passe le plus clair de mon temps avec toi. Or j'ai peur de l'inconnu. J'ai besoin de te comprendre, Guerrier. Est-ce si désagréable de parler de toi ?
Jusqu'à la dernière phrase, j'avais réussi à l'attendrir. Je connaissais ce regard indirect, lorsque ses yeux abyssaux restaient cachés sous le rideau de sa frange, qu'il inclinait seulement la tête vers moi, tout en restant protégé derrière. Mais cette phrase avait changé la donne.
- Prodigieusement, oui, répondit-il ainsi. De surcroît, je te rappelle que nous sommes là pour vérifier qu'il ne reste aucun sujet sain de ce côté du mur. Concentre-toi au lieu de babiller.
Je m'arrêtai de trotter près de Liane, courroucée au possible. Il allait se retourner pour voir ce qui se passait et là, il en aurait pour son grade. Je n'étais pas son sage subordonné, je n'avais aucun ordre à recevoir de lui, enfin ! Je poussai un hurlement en sautillant en arrière.
- Es-tu écervelée ? Gronda-t-il en se dégageant un passage entre les créatures qui cherchaient à me cerner. Tu n'as pas remarqué qu'on ne s'en sort de ce côté... du mur que si on continue à avancer, grâce à... la lenteur... des créatures ?
Son épée volait, il fournissait des efforts, si bien qu'il avait du mal à parler, mais ce fichu troupeau de malades ne faisait que grandir ! Par les dieux, ils avaient dû nous encercler petit à petit sans que je le remarque.
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- Passe-moi une arme quelconque ! Hurlai-je, hystérique, alors que des dizaines de mains semblaient se refermer autour de moi.
Pendant les premières secondes il ne se passa rien, si bien que la panique obstrua totalement ma raison. Les rictus des êtres qui ouvraient les mâchoires sur ma robe m'effrayaient presque davantage que ce qu'elles essayaient de faire. Je gesticulais en tous sens, ce qui suffisait à les empêcher de mordre, mais en se pressant de plus en plus les unes contre les autres, elles me rendraient bientôt incapable de tout mouvement.
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- Tiens ! Lança la Guerrier.
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- Hips !
Un genre de glaive se ficha dans une créature devant moi. L'être à l'aspect humain, à la chair verdâtre en décomposition, aux yeux vitreux et dont les cheveux ne formaient que des lambeaux pendant lamentablement sur son crâne ouvert, s'immobilisa pour fixer l'arme blanche. Paniquée je m'en emparai mais bon sang, je n'avais même pas assez de force pour la retirer ! La créature se mit à me regarder faire, sans bouger, comme si elle croyait que je voulais l'aider. Mon estomac se tordit à l'idée qu'il s'agissait d'une réaction humaine.
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- On est fichus ! Hurlai-je telle une bête traquée.
L'être transpercé par l'arme me regardait toujours, mais ne faisait rien pour m'attaquer. En revanche, je fus surprise par d'autres assauts douloureux. Je devais sortir de là ! Je ruai, je balançai sabots et queue, je poussai des mains mais jamais une brèche ne se présenta entre les créatures pour me laisser passer. A plusieurs mètres de moi, j'entendais les têtes tomber les unes après les autres. Mais mes forces décroissaient. La première franche morsure me fit hurler comme jamais je n'avais crié.