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  Le destin des immortels - nouvelle publication
  

  - Tu pourrais me remercier, fit-t-il remarquer, très sérieux.

Il en demandait toujours davantage, comprit-elle. Il avait gagné sur plusieurs points, tels que son aveu de se sentir mieux et ses démarches afin de convaincre Sloan qu'il ne la verrait plus. A présent il voulait qu'elle le remercie. Elle avait envie de hurler qu'une captive ne remerciait pas son geôlier. Elle se racla la gorge. Elle ferait de son mieux. Mais avant qu'elle ne parle, il lui fit signe de se taire. Comme pour éviter un moment difficile à l'issue duquel elle serait forcément perdante. De nouveau, il se montrait glacial, menaçant.

Il retourna à sa lecture. Elle n'eut pas le sentiment d'avoir gagné un répit durable. Il lui sembla au contraire que lorsqu'il reviendrait à la charge, elle n'aurait pas d'autres secondes chances. Elle devrait lui donner ce qu'il voulait. Or il voulait de toute évidence que ces remerciements sonnent juste.

• - Ton frère ? Interrogea-t-il de cette même voix trop grave.

Elle réfléchit un instant à l'attitude à adopter. Lorsqu'il leva les yeux sur elle, d'abord elle y trouva la même lueur dangereuse. Puis elle disparut subitement. Il venait de lui faire un cadeau. Elle réfléchit un moment puis décida de prendre ce qu'il lui donnait et de l'exploiter au centuple. Elle avait déjà montré trop de faiblesse. Il était temps d'y remédier.

• - Je comptais mettre mon père, mais je vis chez toi, je dois te flatter un peu, répondit-elle très sérieusement.

Il détendit son corps, en un mouvement que des yeux humains n'auraient pas suivi. Elle se retrouva projetée en l'air comme un vulgaire chaton, puis retomba sur ses pieds. Après quelques mouvements symétriques, elle le mit à terre, où elle ne parvint pas à l'immobiliser. Il était plus fort qu'elle. Il renversa la position sans effort. Tous leurs gestes avaient été faits sans violence, presque sans douleur. Ils jouaient comme des vampires pouvaient le faire, à l'image de jeunes chats. Finalement, elle cessa de se défendre, prisonnière de ses deux mains à lui et du poids de son corps, dos au sol. Pour autant sa phobie ne se trouva pas contrariée. Jusqu'à cet instant, lorsque le vampire se mit à dégager des ondes qui exprimaient autre-chose que le jeu. Dès que Sofiane sentit exploser la panique de l'immortelle dans l'espace entre eux, il se releva et l'aida à le suivre. Ils se rassirent en silence. Elle expulsa la peur par vagues régulières. Elle ne tenta pas de cacher ce qu'elle faisait. C'était trop tard pour cela. La transition s'effectua comme une pierre tombe au fond d'un ravin. Les échos de ce qui venait d'arriver se répercutèrent entre eux, de plus en plus faiblement. Finalement il parut lire avec une attention intacte, comme si rien ne s'était passé, pendant que Shalimar remettait fermement son masque en place.

• - Je te laisse tout ton passage sur ta famille peu commune, mais j'espère ne pas avoir à le regretter, Shalimar, conclut-il calmement.

• - S'il apprenait un jour qui nous sommes, jamais il ne nous nuirait, tenta-t-elle, avec une assurance nuancée par le timbre assez bas qu'elle avait employé.

Elle se sentait agitée, sachant qu'elle prenait des risques en le contredisant. Mais après avoir constaté l'effet qu'il lui faisait il dit juste :

• - Je ne prendrai pas le risque. Jamais, assure-t-en, Shalimar.

Après mûre réflexion sur la façon de procéder, elle choisit celle qui lui paraissait la plus sûre pour son intégrité physique.

• - N'as-tu jamais fait confiance à un humain ? Interrogea-t-elle doucement.

• - Si, au début. Les Chasseurs en sont la conséquence. Les humains parlent entre eux, et le téléphone arabe n'a jamais flatté personne, expliqua Sofiane.

• - Qui avait vendu la mèche ? S'étonna-t-elle aussitôt.

Elle se sentait flattée qu'il consente à lui livrer son expérience personnelle. Le chef des vampires parlait peu de lui-même. Il le faisait d'autant moins quand il s'agissait de confier ses erreurs.

• - Cela ne te regarde pas, lâcha-t-il pourtant.

Elle prit la mouche, évidemment. Son regard tomba sur son alliance. Il avait sa liberté, ne lui devait-il pas au moins une sorte d'intimité, celle qui induit quelque complicité privilégiée ? Mais lorsqu'elle leva les yeux sur le gris métallisé des siens, le danger se mit à lui sauter aux yeux. Soudain, elle trouva pourtant que cela importait peu. Mais lorsqu'elle s'apprêta à lui parler, il prit les devants. Il avait vu son regard se porter sur la bague. Il avait senti sa colère.

• - Pourquoi n'es-tu pas capable de louvoyer comme toutes les autres, Shalimar ?

Tandis qu'il marquait une pause avant de développer, elle sentit sa colère fuir devant la curiosité qu'il avait fait naître en elle. Elle hésita à bloquer l'influence qu'il était en train de produire sur elle, mais se donna une chance, lorsqu'elle comprit qu'il était en train de désamorcer le conflit, là où il aurait pu se contenter de la frapper pour lui apprendre les bonnes manières.