Lien Le péché pour leur vie pour les nouveaux venus.
Extrait précédent : Début du péché pour leur vie
- Tu as tenu cinquante minutes, avec en moyenne une difficulté un peu plus importante que la dernière fois, ce qui est quatre minutes de plus que la fois précédente, si j'en crois ton dossier. Bonne amélioration puisque l'escrime est ton point faible. Maintenant les conseils.
Il prit des sangles pour attacher nos bras sous mon regard interdit. Tout contre lui, je travaillai, menée par son corps, les passes que je maîtrisais mal, encore et encore, jusqu'à ce que ce soit moi qui guide nos bras liés. Enfin il nous détacha puis nous repartîmes à notre danse avec la mort. L'épée finit par m'échapper. Haletante, je voyais des étoiles comme souvent. C'était mon point faible depuis le début, mais Dieu merci, mes absences ne survenaient jamais pendant mais après l'entraînement. Ainsi cela ne portait pas atteinte à mes évaluations, d'autant que souvent, comme à cet instant, je faisais en sorte que personne ne les remarque. Je le fis répéter ; interloqué il s'exécuta.
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- Tu as duré moins longtemps que tout-à-l'heure de cinq minutes, mais la difficulté était bien supérieure. Je vais noter que tu as stagné. Tu paniques quand la fatigue va l'emporter. Tu fais des fautes qui pourraient être évitées, alors. Tu aurais pu légitimement manquer la passe suivante, mais là l'épée t'a échappé. Je n'y suis pour rien, au surplus. Il vaut mieux garder ton sang froid, même si c'est pour une seule passe supplémentaire. Ce sera peut-être celle-ci qui te sauvera. On continue. Salle d'agilité.
Sonnée, je compris que ces deux heures n'étaient qu'un début. L'entraîneur m'expliqua le parcours d'agilité puis je partis au pas de course. La salle d 'agilité était une immense verrière avec arbres, obstacles, cordes nouées, plates-formes, tubes, mur d'escalade, bassins de profondeurs et de formes inégales. Le parcours que le jeune homme m'avait expliqué comptait tout le matériel, chose que je n'avais jamais tentée. L'ordre dans lequel je devais réaliser les exercices était assez insensé. Non seulement ce serait difficile, mais de surcroît, j'aurais du mal à m'en souvenir. Ce qui était exprès, la mémoire devant être travaillée elle aussi. D'abord je dus monter à un arbre, puis bondir sur une plate-forme et de là, en haut de la corde nouée. J'eus à la descendre, me glisser dans un tube, gagner l'autre extrémité en me contorsionnant, piquer un sprint jusqu'à un obstacle, le franchir, passer un bassin où je n'eus qu'à peine pied en son centre, monter une autre corde, me balancer pour atteindre une plate-forme, puis j'eus un trou de mémoire.
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- Je ne me rappelle plus ! Hurlai-je, les poumons en feu.
L'entraîneur me dicta la suite au fur et à mesure. Arbre D, plus basse branche. Saut dans le bassin A, sorte de puits que j'eus peur de rater. Je remontai à la surface les yeux exorbités, j'avais craint de manquer d'air.
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- Sprint vers les obstacles A, entendis-je alors que j'étais encore dans les escaliers qui me ramèneraient hors du puits. Éviter le bassin C à la réception.
Le dernier saut était donc en longueur. Je ratai puis stoppai puisqu'aucun ordre ne suivit.
- Une moyenne de sept minutes par exercice, c'est la même que lors de ta dernière performance, mais le parcours était plus long, donc je note une petite amélioration. Même remarque que tout-à-l'heure, tu paniques. Prends confiance en toi. Démonstration : pourquoi à ton avis as-tu raté le dernier exercice?
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- Je n'ai pas su gérer ma respiration. J'étais hors d'haleine, répondis-je la voix encore rauque.
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- Pas du tout. C'était parce que ce n'était pas faisable. Ça se voit pourtant.
Je me tournai vers l'obstacle suivi du bassin. Ils étaient espacés d'environ deux mètres et le bassin en faisait bien une dizaine. Effectivement, ce qu'il m'avait demandé paraissait impossible.
- L'agilité est ton point fort d'après ton dossier et en effet je n'ai pas grand chose à ajouter. La prochaine fois je ne veux plus voir cette peur sur ton visage. Équitation.
Bon me dis-je, fais-toi à l'idée, Cristal, il va te faire enchaîner un entraînement de vingt-quatre heures d'affiliée. Est-ce qu'il va me laisser petit déjeuner au moins ? Me demandai-je en constatant qu'il était quatre heures trente du matin. On allait faire un cross, c'est-à-dire un parcours dans un champ, constitué d'obstacles naturels. Je sellai la jeune pouliche récemment arrivée au château qu'il m'indiqua. Je ne l'avais jamais montée. Il m'expliqua le parcours tandis que je me préparais au grand frisson. C'était concis mais d'après mon expérience ce serait risqué. Comme il me l'avait indiqué je menai la pouliche en haut du terrain, là où il était le plus pentu. Je montai en selle et elle commença par ruer plusieurs fois. Je la lançai au galop depuis l'arrêt et tout de suite constatai que ses foulées se révélaient inégales. En clair son galop était aussi désordonné que désarçonnant. Je me tins en suspension (debout sur les étriers) mais même ainsi son comportement me rendait la chevauchée difficile. Elle dévala la pente bien trop vite pour que cela s'arrange. Le premier obstacle avait beau se trouver bien en face, ainsi qu'à la perpendiculaire, je savais donc qu'elle refuserait de le sauter. Cela malgré l'impulsion que je donnai pendant les dernières foulées, totalement inutile vue la vitesse folle à laquelle elle galopait sur le sol un peu glissant du terrain, mais seulement destinée à lui expliquer qu'il fallait sauter coûte que coûte. Bien encadrée par mes jambes et mes mains (c'est à dire que je lui donnais des ordres stricts), elle ne put se dérober de côté (éviter l'obstacle, j'essaie de ne pas vous perdre en route), alors elle le percuta, puisqu'elle ne voulait pas le franchir.
Je lui fis faire demi-tour après correction puis recommençai. La troisième fois je descendis de cheval pour lui faire faire le tour à pied. Je ne regardai pas l'entraîneur, essayant de faire comme s'il n'était pas là. Je devais passer ce foutu obstacle d'un mètre et j'allais y parvenir. La jument tremblait, couverte de sueur. Tant qu'elle serait dans cet état cela ne marcherait pas. Je flattai ses flancs jusqu'à ce qu'elle se fût calmée. Je remontai en selle puis fis quelques exercices de dressage pour faire diversion. Ensuite je sautai un obstacle plus bas avec succès. Je fis une nouvelle pause et partis de loin, doucement d'abord, sur l'obstacle qui posait problème. Puis je lui offris une accélération. Les chevaux aiment galoper sur un terrain de cross, parce que se trouver dans un champ leur donne envie de s'amuser. Elle refusa encore.
Nouvelle correction. Nouvelle pause. Je la laissai même brouter un peu. Puis je réessayai. Au bout de la quatrième fois je me demandai combien de temps encore l'entraîneur allait-il me laisser rater. Inlassablement je fis de nouveau une pause ainsi que d'autre exercices quand la pouliche eut retrouvé son souffle mais aussi son calme. Puis sans transition je la ramenai sur l'obstacle. Je ratai encore et réessayai après un large demi tour. Elle sauta. Ce fut fait dans les règles de l'art. J'étais arrivée en ordre (c'est à dire que les mouvements de la pouliche avaient été réguliers, et non désordonnés), et la vitesse était moindre maintenant que la fougue du début était calmée par l'effort. Pourtant elle tomba à la réception (autrement dit, tout de suite après le saut). Elle m'écrasa la jambe mais je pris sur moi pour ne pas hurler. Je l'empêchai de fuir en récupérant prestement les rênes. Elle était dans un état catastrophique, alors je la fis marcher doucement. Je me demandais quel degré atteindraient les foudres de l'entraîneur quand je lui dirais qu'il était hors de question que je fasse le parcours en entier.
Quoique. Je finis cette balade à pied et montai de nouveau, essuyant de nouveau plusieurs ruades. Les exercices de dressage ne posèrent pas de problème. Je posai la barre d'un obstacle au sol. La pouliche ne devait pas rester sur cette impression sinon elle ne voudrait plus jamais sauter. Je lui fis passer ce faux obstacle sans problème. Puis je montai la barre de quelques centimètres et la fis sauter au trot. Parfait. Je montai un peu plus significativement l'obstacle et l'animal fit un refus. Je retentai plusieurs fois de suite et à la cinquième elle sauta sans encombre. Ensuite je répétai l'exploit en montant la barre très progressivement. Les cinq derniers centimètres précédant la hauteur où elle étai tombée posèrent plus de problèmes mais au bout de six fois elle sauta. Je m'empressai de hausser pour la dernière fois la barre. Je mis quarante minutes à essuyer refus sur refus, intercalés de pauses et d'autres exercices. Finalement elle sauta et se réceptionna sans problème.
La surprise faillit me faire oublier la suite du parcours. Mais après un instant de flottement je lançai la pouliche à l'assaut du parcours d'agilité qui suivait. Je ne renversai rien lors du slalom que je fis le plus vite possible. Je m'étais attendue à un refus sur le mur qui clôturait le parcours mais elle l'avala sans encombre.
J'essuyai la sueur de mon visage sur le chemin qui me mena jusqu'à l'entraîneur.
- A ton avis d'où viennent les difficultés sur le premier obstacle ? Me questionna-t-il d'emblée.
J'avais eu le temps d'y réfléchir pendant les deux heures que j'avais passées dessus.
- Elle n'a jamais sauté si haut ? Suggérai-je.
- Elle n'a jamais sauté tout court. Tu apprends vite.
- Elle ou moi ? Souris-je.
- Je note donc une nette amélioration sur cet exercice mais une atteinte au règlement, dit il très sérieusement.
J'attendis l'explication, ici poser une question était mal vu. Mais il posa sur moi des yeux qui demandaient ce que j'attendais pour contester.
- Pourquoi ? Questionnai-je donc.
- Flagrant délit de sens de l'humour. As tu déjà vu quelqu'un rire ici?
- Pas devant un entraîneur.
Il hocha la tête et je retins mes autres questions, ici on ne rigolait pas avec le règlement et je maintiens qu'ici on ne posait pas de questions.
- Pour les conseils, si tu vois que ta monture a une démarche désordonnée il faut la travailler. A part ça tu as une bonne monte (expression équestre signifiant que je me débrouillais bien sur le dos d'un cheval), et à cheval tu n'as pas froid aux yeux. Ou alors tu ne le montres pas, ce qui revient au même. C'est terminé pour ce soir.
Je partis desseller la pouliche. Lorsque je gagnai le château, le soleil se levait en cet hiver dont je ne sentais absolument pas la rigueur. J'avais toujours chaud, que ce soit à l'intérieur où les pièces étaient agréablement chauffées, ou dehors, en entraînement. Je croisai les autres recrues sur le seuil du château. Je travaillai sur moi pour ne pas avoir peur, l'entraîneur t'a dit de ne plus paniquer. Vous avez dû remarquer que je ne m'émouvais pas de ne pas connaître son nom. C'est parce qu'en ces murs personne sauf les recrues entre elles ne s'interpellait. On s'entraînait et ensuite on retournait devant l'entraîneur qui nous donnait les conseils et le verdict : progrès ou échec. Le nom des entraîneurs était peut être secret, en tout état de cause il ne nous était pas donné et comme on ne posait pas de questions en ces murs, on ne le connaissait pas.
Je suivis donc la file jusqu'à la salle de combat rapproché. Mais un entraîneur me glissa froidement de rentrer me reposer. Interloquée je fis demi tour. On s'entraînait toujours les uns avec les autres, c'était la première fois qu'on me séparait d'eux. Je passai pour rejoindre mes appartements devant le bureau de la présidente. Des éclats de voix me parvinrent, chose qui ne m'était jamais arrivée non plus. Ici on parlait d'une voix neutre. Je regardai à droite et à gauche et collai l'oreille à la porte. Je tressaillis en entendant la voix de mon entraîneur. Je n'entendais pas tout et en particulier la voix de la présidente ne tonnait pas assez pour que je comprenne ce qu'elle disait, mais je saisis, de sa part à lui, « inutile... entraînement...épuisée », «Nécessaire...la connaître », « règlement...ferai quand même », « alors quoi... me virer... Maman? ». La présidente cria assez fort pour que je comprenne « Sors d'ici, Aiden! ».
Précipitamment je m'éloignai, bondissant sur la pointe des pieds. Un bond plus tard j'ouïs la porte s'ouvrir à la volée. J'avançai à grands pas mais bientôt j'entendis des pas derrière moi. Le jeune homme m'attrapa par le bras et je bloquai dans ma gorge le cri de stupeur qui allait m'échapper. Il regarda autour de lui pour vérifier qu'il n'y avait personne qui puisse l'entendre et me murmura à l'oreille après m'avoir adressé un regard dur que plus jamais il ne voulait me voir écouter aux portes. Il regarda encore autour et m'entraîna à grands pas dans mes appartements. Il ferma la porte derrière et nous et toujours sèchement il fit :