Résumé du péché pour leur vie.
Puis il fallut attendre le temps d'incubation. J'eus tout de suite cette conversation pénible qu'il fallait avoir avec les proches :
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- Ma belle, quand il se sera réveillé, il ne sera plus lui même pendant quelque temps. Ça peut durer très longtemps. Mais il finira par redevenir lui même.
Du moins l'espérais-je, mais cela je ne le lui dis pas. Pendant quelques jours la vie s'arrêta pour nous deux, tandis que nous guettions sont réveil. Je craignais une nouvelle attaque des autres clans, qui ne vint jamais. Le traitre du château ayant été neutralisé, je supposai qu'il fallait aux opposants de Kenzo un peu de temps pour élaborer de nouvelles stratégies. Par miracle, le château continuait de fonctionner au ralenti en attendant le réveil du monarque.
Au bout de quelques jour, il ouvrit les yeux, mais il n'y voyait pas encore, je le savais, il réfléchissait. Non que j'aie déjà changé quiconque en vampire. Mais je me souvenais de ma propre métamorphose.
- Léila, ordonnai-je, sors avant qu'il ne t'attaque, et trouve-moi de quoi l'attacher : de la grosse corde, à moins que...
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- Nous avons des menottes, mais es-tu bien certaine que ce soit nécé...
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- Sors ! Et ramène les deux.
J'avais crié parce que son père commençait à bouger. Bien sûr elle ne réagit pas assez vite pour qu'il ne fit pas... Cela. Se tourner doucement vers elle et retrousser très lentement les lèvres sur deux crocs luisants.
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- Papa, tu me reconnais ? D'accord, d'accord.
Elle avait senti que j'allais encore lui demander de partir et Dieu merci, elle avait dû voir dans les yeux de Kenzo qu'il n'était plus lui-même. A l'instant où elle fit un premier pas en arrière, il se redressa. Lorsqu'elle fit le second, il se leva d'un bond. Je m'étais préparée ; il sauta et la manqua car elle avait quitté la pièce à toute allure (face à la mort les humains sont tellement moins lents !), et j'atterris sur lui. La mêlée fut de courte durée mais intense. Maintenant j'étais au dessus de lui, solidement accrochée à ses deux mains, et entourant ses hanches de mes jambes. Il se serait sans doute débattu davantage s'il n'avait commencé à apprécier le ton sur lequel je disais :
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- Kenzo, mon amour, c'est Callista, tu te souviens, j'ai fait ce que tu voulais depuis le début, te voilà immortel, et, je le sais, affamé, mais dès que tu sera plus tranquille, j'irai te chercher du sang, promis, amour...
Et ainsi de suite. A la troisième fois il avait cessé de se débattre. Heureusement car il était sans doute bien plus puissant que n'importe quel novice, car c'était à présent un hybride. On m'avait conté que les jeunes immortels étaient faciles à maîtriser. Avec lui j'avais sué sang et eau. Ne croyez pas qu'il se soit souvenu de qui nous étions tous deux, mais je l'avais engendré, il me prenait pour sa mère, et puis aucune odeur de sang frais n'excitait plus sa faim. Je libérai un poignet pour lui caresser les cheveux. Je réalisai soudain que ça y était, il avait changé. Je ne savais pas que le changement venait si lentement qu'on ne le voyait pas tout de suite. Ses yeux étaient devenus tout à fait d'or, ils auraient ressemblé à ceux de Prince sans ces anneaux verts qui entouraient ses pupilles. Très joli. Son châtain déjà riche allait à présent depuis le noir jusqu'au doré. Magnifique. Des boucles s'étaient glissées dans sa chevelure lisse, mais à mon grand ravissement elles lui tombaient toujours dans les yeux. Ses sourcils déjà courts et bien dessinés semblaient épilés d'une main experte qui n'aurait pas oublié de les rendre suffisamment épais pour qu'ils restent virils . Ses joues étaient plus creusées, et sa bouche plus pulpeuse. Ses épaules étaient plus larges, et de façon générale ses vêtements étaient devenus trop petits pour sa nouvelle musculature. Et sa nouvelle taille.
Maintenant il avant attrapé la main qui caressait ses cheveux et la frottait contre sa joue. Non, il n'était pas encore un humain, mais au moins était-il calme. Je lui souriais bêtement quand il sentit sa fille arriver. Plus elle approchait, plus il s'agitait. Lorsqu'elle ouvrit la porte (quelle inconsciente !!) il recommença à lutter pour se relever. Consciente de mes efforts, Léila posa vite cordes et menottes et referma la porte. J'entendis longtemps sa course pour s'éloigner de nous, parce que je me concentrais, faisant abstraction par la seule force de mes sens tellement développés des grognements de Kenzo, et du simple bruit de sa terrible lutte pour la vie.
Car oui, à l'heure qu'il était, mon aimé craignait de mourir de faim, je le savais, je m'en souvenais. Il fallut quinze minutes pour qu'il cesse de lutter, à l'issue desquelles je commençai à voir trouble.